Delphine, forcemment, ça vient de dauphin. Et l'autre nom donné aux dauphins n'est autre que souffleur. Cela ne veut pas dire que Mégane signifie automobile en latin et que les parents de cette petite taupe l'auraient donc appelé Line (à cause de Line Renaud). C'est vrai que parfois ça paraît un peu compliqué tous ces trucs, mais si l'on s'y met un peu, on comprend très vite. Tout cela, c'est pour vous mettre sur la piste de la passion de Delphine : le theâtre. Et d'ailleurs, on la voit en pleine action page 24 du tome 1. Elle s'occupe, à ce moment précis, de souffler à Enzo le texte qu'il clame avec tant de brio ! C'est certain, elle n'a pas le meilleur rôle, mais au moins elle reste dans son élément. Le problème de Delphine, c'est qu'elle n'a pas de "physique". Elle a du talent, c'est incontestable, mais elle ne possède pas cette présence, ce charisme que l'on prête volontiers aux grandes stars. Déjà au conservatoire, elle en faisait les frais. Les railleries était nombreuses, et les futurs jeunes premiers ne l'apercevaient même pas dans son costume de figurante, tandis qu'une beauté quelconque toute en forme et en prétention occupait le devant de la scène. Quoiqu'il en soit, Delphine a du cœur, de la volonté et de l'énergie. Elle met ce paquet de courage dans son travail, dans des pièces qu'elle monte elle-même avec de petits acteurs, faute de soutien réel de ceux par qui tout passe. Il y a bien quelques subvention de-ci, de-là, mais elles apparaissent bien dérisoires, voire mesquine, lorsqu'il sagit de porter au public
un projet d'envergure. Alors, cahin-caha, Delphine continue d'y croire et rêve d'acclamations pour la petite troupe qu'elle tente désespéremment de coordonner. Et puis quand vient le soir, qu'elle se retrouve seule, et que tous ses soucis l'assaillent comme s'ils avaient attendu avec impatience la relâche, elle prend un livre, usé par nombre de lectures et de manipulations. Elle trouve le réconfort chez ceux qui, parfois comme elle, ont eu du mal à faire accepter l'idée qu'une bonne pièce vaut mieux qu'une grande guerre. Fourbue, épuisée, elle s'endort en souhaitant se faire séduire par Don Juan, ou simplement se faire accueillir dans la tribu Malaussène. Toujours animée d'espoir et d'optimisme, elle rêve d'un monde dans lequel le rideau ne tomberai jamais.

 




* La farce de Maître Pathelin - Acte 1, scène 5
Traduction/adaptation Christian GRAU-STEF & Jean TERENSIER.